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Antoine et sa mère, condamnés à l’exil pour cause d’autisme

Céline et Antoine. Ces deux prénoms s’ajoutent aux milliers de français contraints de quitter l’hexagone, incapable d’offrir aux jeunes autistes une scolarité décente, pourtant prônée comme priorité du gouvernement et inscrite dans la loi. 

Des années de déni

Cette décision, Céline ne l’a pas prise à la légère. Après des années d’errance et d’indifférence, la jeune maman installée à Bihorel, près de Rouen, se sent épuisée, «comme morte » à l’intérieur. Le combat contre l’ »intolérance et l’ignorance » de la France a commencé il y a bien longtemps. 

Depuis sa petite enfance, Antoine, 9 ans, a un comportement et un rapport au langage « singuliers », qui ont rapidement évoqués à Céline les membres de sa famille concernés par  l’autisme.  Alors que les difficultés scolaires s’amoncèlent, les centres médicaux refusent de creuser cette piste. Il faudra que Céline fasse l’objet d’une information préoccupante (une erreur de jugement qui n’est pas sans rappeler de dramatiques placements d’enfants autistes en France), pour que les bilans soient enfin réalisés et révèlent le profil d’Antoine, qui est bel et bien autiste. 

Violences scolaires, violences médicales

Quand on lui parle d’inclusion, de bienveillance, Céline rit amèrement. Selon elle, les familles d’enfants différents sont « maltraitées » par la France. Il y a le manque de considération du corps médical. Il y a ces années d’attente pour une place dans une structure spécialisée. Il y a ces refus d’octroi d’une AVS, les délais interminables pour mettre en place des aménagements pour Antoine, qui est également dyspraxique. Et puis il y a eu ces cheveux tirés, et cette gifle qu’un enseignant aurait infligé au petit garçon dans sa précédente école.

Un départ urgent et imminent

La loi de 2005, relative à l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, stipule que « Tout enfant, tout adolescent présentant un handicap ou un trouble invalidant de la santé » doit être scolarisé soit dans l’école ordinaire, lorsque cela est possible, soit dans l’établissement spécialisé le plus proche de son domicile. La réalité est toute autre. « Non seulement il n’y a pas d’égalité, mais on nous abandonne ». 

Actuellement, Antoine fait « des coloriages au fond de la classe ». Si il est aujourd’hui entouré d’une équipe bienveillante, les enseignants, qui ne disposent ni des moyens, ni de la formation à la diversité nécessaires à un accueil digne et à une scolarité épanouie, sont démunis. « À l’inverse, le personnel de la future école d’Antoine semble tout à fait habitué à prendre en charge les profils particuliers. On a le sentiment que c’est leur quotidien. Et les accompagnements (ergothérapeute, orthophoniste …) sont centralisés. »

D’ici deux mois, la jeune mère quittera donc la France en attendant que celle-ci dispose de plus de moyens, mais aussi qu’elle réhabilite de « vrais valeurs humaines », dont la majorité des personnes qu’elle a croisées manqueraient cruellement. Elle fait néanmoins appel à la solidarité de ses concitoyens par le moyen d’une cagnotte: contrainte de cesser son activité professionnelle pour s’occuper de son fils, elle ne dispose pas du budget nécessaire pour financer leur déménagement. En franchissant la frontière belge, Céline espère  que son fils pourra enfin, comme tout enfant, « simplement apprendre et se faire des amis ». 

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L’association TDAH-pour une égalité des chances veut inonder la boite au lettre du Président Macron de … dessins

Pour la 3ème année consécutive, l’association TDAH-pour une égalité des chances propose l’opération dessins pour sensibiliser au TDAH.

Les besoins des enfants porteurs d’un TDAH (Trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité) sont et demeurent ignorés par l’institution scolaire. Considérés comme inattentifs, perturbateurs, mauvais élèves, ces enfants pourraient révéler leurs talents si l’école était plus attentive et plus respectueuse de leur fonctionnement singulier. Une mère de famille déterminée a décidé de porter leur voix: Stéphanie Jaquet, présidente de l’association TDAH-pour une égalité des chances. Elle a choisi d’interpeller le Président en invitant chacun à envoyer un dessin à l’Elysée:

« Chaque jour, à partir du 1er décembre, 1 dessin sera envoyé à Emmanuel Macron pour lui demander d’agir pour une vraie prise en charge globale du TDAH en France. Les 2 années précédentes, cela avait donné lieu à quelques articles de presse et 2 Rdv à l’Élysée. Nouveauté cette année : les dessins seront envoyés sous format papier aux rédactions des médias et nous demanderons à être reçus par le Président de la République lui-même car les 2 RDV précédents n’ont pas fait évoluer notre cause. Le Président de la République doit s’engager personnellement pour faire avancer la cause du TDAH. Notre cause est juste. Alors, nous comptons sur vous pour continuer ce #sostdah par les dessins des enfants, et aussi des adultes qui le souhaitent, pour ne plus être les invisibles.Pour que nos enfants ne soient plus les oubliés de la République… Mobilisons-nous! Pour une qualité optimale des dessins, il est préférable de nous les envoyer par courrier à :Association TDAH- pour une égalité des chances 14, rue des Colverts 59163 Condé/Escaut. Vous pouvez également envoyer une copie au Président de la République. L’envoi simple d’un courrier à l’Élysée est dispensé d’affranchissement. « 

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Parution de l’échec scolaire n’existe pas, de Juliette SPERANZA

Juliette Speranza publie le 3 septembre chez Albin Michel l‘Échec scolaire n’existe pas. Pour en finir avec la « ségrégation cognitive », Juliette SPERANZA appelle à une école qui accepte la diversité des profils et des intelligences:

Et si l’échec scolaire n’était qu’un mensonge ? Quel parent n’a jamais essuyé ces sentences sans appel : « votre enfant ne comprend rien », « nous ne savons plus quoi faire de lui », « il n’est pas dans le moule », « les maths ce n’est pas pour elle », etc. Les conseils de classe, les bulletins scolaires sont devenus de vraies angoisses pour les parents et les élèves. Et si l’école n’était plus une chance pour tous mais un échec pour tous ? Le temps est venu de dire la vérité. L’école est indigne de confiance, intolérante, rigide. Un système de contre-apprentissage organisé. Juliette Speranza, professeure en classe prépa, ayant enseigné du primaire au supérieur, propose une alternative. Un apprentissage qui renoue avec l’autonomie de l’élève, celle qui s’appuie sur les forces et les compétences, celle qui redonne sa place au sein de l’école. Un enseignement qui assume la diversité des profils. Pour que l’éducation retrouve sa mission première, celle de croire en tous ses élèves.
Ce livre est une révolution. Une nouvelle approche de l’intelligence. Un soutien, un accompagnement qui va changer l’avenir de votre enfant. Un espoir pour les parents, une libération pour les enseignants, une solution pour nos enfants.

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La France, ce pays où il faut quêter pour scolariser son enfant sourd

Shayan a 13 ans. Comme les garçons et les filles de son âge, Shayan rentrera en quatrième en septembre. Comme les garçons et les filles de son âge, il étudie dans son collège de secteur au sein duquel il s’est fait des amis. Mais, petit, on a dit à la mère de Shayan qu’il n’avait « pas sa place à l’école ». Puis, il n’a pas eu droit à la fameuse photo avec le père Noël. Aujourd’hui, il est privé de 9 heures de classes par semaine, comme par exemple la musique, le sport ou l’anglais. Pourquoi? Parce qu’il est sourd, et, en tant que sourd, Shayan n’a toujours pas les mêmes droits que les autres enfants.

Article publié le 17 Août sur Le blog Mediapart

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Shayan a besoin de traduction en LSF (Langue des signes française) de tous ses cours. Si son entourage s’adapte, comme sa famille, sa soeur, avec laquelle il communique en langue des signes, et ses amis qui ont apprit quelques signes, on ne peut en dire autant de l’institution scolaire, au sein de laquelle il fut compliqué pour Shayan de se frayer un chemin.  

Pour Coralie, sa mère, le combat dure depuis plusieurs années: des années maternelles où on lui refuse une AVS (car Shayan n’est pas encore considéré comme handicapé à 80 %) , ou de participer à des activités de l’école telles que le Carnaval, en passant par le primaire où certains enseignants refusent de s’adapter, pour arriver en sixième et découvrir que malgré les engagements de l’Inspection, aucun accompagnement n’était prévu pour Shayan. Après avoir contacté l’inspecteur qui lui a expliqué que « lui aussi, il avait droit à des vacances », elle a dû batailler,  faire appel au défenseur des droits, négocier avec l’académie, s’entourer de militants pour enfin obtenir une auxiliaire « formidable ». Mais tandis que la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées) préconise 21 heures d’accompagnement par semaine, l’inspection n’a accordé que 12 heures, puis 15, après de nombreuses négociations, Coralie ayant été contrainte de brandir la menace de la plainte! En outre, Shayan est « dispensé » de langues et de musique, parce  que ces matières sont présentées comme incompatibles avec son handicap. On lui refuse également un accompagnement afin qu’il puisse suivre les cours de sport. 

Déterminée, Coralie ne baissera pas les bras: « Je suis  passée par  tellement de combat qu’aujourd’hui, je ne peux rien lâcher ». Sa pugnacité, elle la tient de sa colère, de son amour pour son fils bien sûr, mais aussi du soutien de quelques personnes bienveillantes et humaines qui ont croisé la route de Shayan. Aujourd’hui à l’aise et bien entouré au collège, «  il se mélange très bien avec les entendants ». L’adolescent ne demande donc qu’à suivre un cursus normal, avec un accompagnement dans chaque matière « plus il grandit, plus il a besoin d’heures d’accompagnement », explique sa mère. 

Un confinement particulier 

Le confinement s’est plutôt bien passé, « Shayan étant habitué à être un peu exclu de cette société, on peut dire qu’il a bien vécu le fait de rester à la maison avec sa famille. Le problème, ce sont  les masques: la communication est déjà compliquée d’ordinaire, mais là sans voir la bouche, c’est encore pire». Par ailleurs, soutenu par ses interfaces de communication, cette situation  a révélé la motivation et les capacité de Shayan «Mon fils a beaucoup de capacités. Si l’académie mettait vraiment les moyens,  nos enfants n’auraient nul besoin d’être dans des instituts spécialisés ». Assidu, Shayan était un des élèves les plus « présents» de sa classe, il est aussi un de ceux qui a le plus progressé pendant les mois d’école à distance. « Les élèves s’adaptent vite, contrairement aux adultes, qui au bout de tant d’années ne comprennent toujours pas comment intégrer les enfants différents ». 

Un crownfounding pour une scolarité digne de ce nom

Au pied du mur, Coralie  a donc décidé de lancer une campagne de Crownfounding (soutenue par des particuliers et l’association Drôle de girafe) pour financer les heures d’AVS que l’académie n’a « pas les moyens » de financer: 

« Je suis dans l’obligation de faire cette cagnotte pour que mon fils puisse être scolarisé comme n’importe quel enfant, je pense porter plainte contre l’Éducation nationale, mais je sais que ça va prendre énormément de temps et la scolarité de mon fils ne peut pas attendre. »

Pas les moyens, vraiment? Tout est question de priorité. Et si, au lieu de payer des gens à « inspecter » ou à « gérer » les enseignants, on les mettait à contribution pour construire un école vraiment inclusive?

Juliette SPERANZA

Pour aider Shayan, cliquez sur ce lien

Pour témoigner de votre indignation au ministère de l’Education Nationale, cliquez sur ce lien

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Éléonore Laloux, conseillère municipale atypique

Eléonore Laloux est trisomique. Mais elle est surtout une personne autonome et inspirante. Auteure de  «Triso, et alors ! » (Max Milo,  2014), elle est, depuis les dernières élections, conseillère municipale de la ville d’Arras. Retour sur un parcours atypique et brillant. 

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Lorsqu’Éleonore est née, les médecins ont annoncé à son père qu’elle était porteuse
d’une « aberration chromosomique ». « Mes parents étaient sous le choc dès l’annonce ». On sépare Éléonore de sa mère, on donne à cette dernière un cachet pour stopper la montée de lait, sans lui demander son avis. On s’empare de leur vie, de leur destin.

« Un mois après ma naissance, mes parents sont allés dans une famille avec une fille qui avait la trisomie 21 pour avoir quelques conseils. Comment vivre avec un enfant ayant une trisomie 21 et que faire pour lui permettre de se développer au mieux ? « . Ils l’emmènent également voir plusieurs spécialistes : orthophonistes, pédiatres, orthopédistes, kinés, psychologues…

Mais les déboires médicaux ne font que commencer. Née avec une  une malformation cardiaque, Eléonore est hospitalisée dans la banlieue sud de Paris à l’âge d’un an: « Juste après mon opération du cœur, j’ai attrapé une infection à staphylocoques. Les médecins ont demandé à mes parents si ils devaient continuer ou arrêter parce que j’étais entre la vie et la mort. J’étais dans une pièce stérile. Mes parents m’ont vue à travers une vitre. Je ne pouvais pas parler, je leur ai fait un sourire. Mes parents ont dit ’’on continue ».

Mes parents m’ont vue à travers une vitre. Je ne pouvais pas parler, je leur ai fait un sourire. Mes parents ont dit ’’on continue ».

De 2001 à 2006, elle poursuit son cursus au sein d’une Classe d’Intégration. Pour trouver un métier, Eléonore a effectué de nombreux stages dans des établissements dits « ouverts », et une formation par alternance.

« Aujourd’hui, je suis agent administratif à l’hôpital d’Arras. J’ai été employée en 2006 avec un contrat à durée déterminée. En 2008 j’ai obtenu un autre contrat à durée indéterminée.  Je vais chercher le courrier. Je fais de la mise sous pli. J’envoie des factures à des caisses d’assurance maladie et des mutuelles. J’envoie des mails et je fais du classement alphabétique. Je vis seule dans mon appartement depuis août 2011. »

Un tournant dans son parcours

Mais Eléonore a d’autres talents qu’elle compte bien mettre au service de la communauté. En 2018, le candidat Frédéric Leturque lui propose de concrétiser son combat pour l’inclusion en intégrant sa liste pour les élections municipales. Deux ans plus tard, la trentenaire se retrouve donc conseillère municipale déléguée à la transition inclusive, une élection qui a changé son regard sur elle-même, mais aussi sur la société: « Depuis mon élection en tant que conseillère municipale, mon regard sur moi-même a changé. Je me sens plus autonome, plus raisonnable, plus sage, plus humble, plus belle, plus sympathique, plus souriante et plus dynamique. »

La confiance dont elle bénéficie en tant qu’élue permet à Eléonore de devenir de plus en plus responsable et apte à servir la population: « J’ai grandi dans ma tête. Je ne mélange pas le personnel et le professionnel. Je sais ce que je veux. Avant je ne pensais qu’a moi et maintenant je pense aux autres. Je suis fière de moi et je crois que je donne une belle image de moi. »

« Il faut casser les préjugés. Les personnes en situation de handicap sont capables d’être autonomes, de prendre des décisions et de faire plein de choses. Elles sont avant tout des citoyens à part entière. »

Optimiste, elle se félicite du déclin des préjugés sur la trisomie 21: « J’ai le sentiment que le regard des autres a évolué sur les personnes ayant la trisomie 21. Je suis très contente, il y a beaucoup plus de regards positifs. On parle de nous dans les médias et sur les réseaux sociaux. » Néanmoins, il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. L’inclusion reste un travail de longue haleine et l’opinion reste cramponnée aux a priori sur les diversités cognitives. Réhabiliter la différence, c’est l’objectif qu’Eléonore s’est fixé:   « Moi, je trouve qu’il n’y a pas assez d’inclusion. Je voudrais faire évoluer tout ça. En ce moment j’y travaille. il faut casser les préjugés. Les personnes en situation de handicap sont capables d’être autonomes, de prendre des décisions et de faire plein de choses. Elles sont avant tout des citoyens à part entière. »
Des idées pour changer le monde, la jeune élue n’en manque pas, clean up days, théâtre, handisport, mais aussi son projet d »‘incluthon »: « c’est un événement qui rassemble des personnes en situation de handicap et des personnes qui n’ont pas de handicap. » Experte et enthousiaste, nul doute qu’Eléonore Laloux saura faire d’Arras une pionnière en matière d’inclusion!
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« Autiste » n’est pas une insulte!

À tous ceux qui s’insurgent qu’un dénommé Christophe Dugarry, ange déchu de la Coupe du Monde 1998 devenu consultant sur RMC Sport, ait « insulté » le joueur Lionel Messi en le traitant d' »autiste », nous allons rappeler une réalité qui paraitra un truisme à nombre de nos lecteurs:

On ne « traite » pas quelqu’un d’autiste. L’autisme n’est pas une insulte.

On ne traite pas quelqu’un d’autiste, comme on ne traite pas quelqu’un de noir, de blond, de femme ou d’étranger. Ces caractéristiques font partie de la diversité humaine, et c’est très bien. Si le joueur de foot Lionel Messi est autiste, c’est une excellente nouvelle. Il contribue à incarner la réussite de tous au sein de toute la société. Il incarne, au même titre que Zidane et Thuram il y a 20 ans, la diversité. Il est temps de se rendre compte que les profils atypiques font la richesse de nos civilisations. C’est peut-être même son autisme, parce que l’autisme a aussi des avantages, qui a fait de Messi un virtuose du ballon rond! Scientifiques, artistes, sportifs atypiques, merci de nous offrir d’autres perspectives que la triste normalité!

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L’éducation au Moyen âge, sous-estimée? avec Danièle Alexandre-Bidon

Le statut de l’enfant au Moyen Âge fait débat. Dans un contexte où, sur dix enfants qui naissaient, on estime que trois mouraient avant l’âge de un an, et trois autres avant leur puberté, l’engagement affectif des parents, la considération de la société étaient-ils, comme nous aurions tendance à le croire, inexistants? Danièle Alexandre-Bidon, historienne et archéologue, docteur en histoire et civilisation médiévales, réhabilite à travers plusieurs ouvrages  l’existence de la sensibilité à l’enfance au Moyen Âge, en particulier à travers l’éducation familiale, monastique et scolaire. A la lecture de ses articles, on découvre des pratiques moins obscures que l’on voudrait le croire: innovations pédagogiques, approche sensorielle, cours de musique, prolifération des écoles dans les rues de Paris, gratuité de l’enseignement pour les plus démunis… Et si la fin du Moyen Âge était une période décisive dans l’histoire de l’enseignement occidental?

EDLN: Dans l’opinion commune, l’éducation médiévale paraît, à l’exception de  l’ Admonitio generalis de Charlemagne, indigente ou réservée à une élite. Qu’en pensez-vous?

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Jeu de lecture accompagné de commentaires religieux.  Il y a dans les marges de l’image des lettres d’alphabet, que balayent et ramassent les petits personnages. Certaines forment des séquences, du type x y z… Il manque une seule lettre. Il faut que le jeune lecteur de ce manuscrit la trouve. C’est le O. Or, des O, il y en a 7 dans les marges de la page : ce sont les couronnes en clayonnage, c’est-à-dire d’osier entrelacé, fleuries. Or, il existait une prière, enseignée aux enfants : les « 7 O », des invocations commençant toutes par la lettre O : Ô interemata…, Ô…

Danièle Alexandre-Bidon:
C’est une erreur. À partir du XIIIe siècle, en France, en Italie, en Allemagne, partout en Europe il y avait une « petite école », pour les rudiments, dans tous les bourgs ruraux et plus encore dans toutes les villes. À Paris, au XIVe siècle, il était même interdit d’ouvrir deux écoles à moins de 20 mètres (traduction en métrologie moderne, bien sûr!)  l’une de l’autre. Tous les enfants d’artisans et de marchands, (même de petits marchands) allaient à l’école pour apprendre à lire, à compter et à écrire, parce que cela était indispensable pour prendre des commandes, les livrer, noter les dettes (la société du bas Moyen Age est en surendettement) et les paiements.
 

EDLN: Le Moyen Âge désigne une vaste période, quelle a été l’évolution de l’ accès à l’instruction durant ces dix siècles?

Danièle Alexandre-Bidon: Une date barrière, le XIIIe siècle. Avant, dans chaque paroisse, seuls quelques petits paysans doués, des garçons seulement, étaient pris en charge par le curé pour leur instruction, dans l’objectif de les voir devenir prêtres à leur tour. A cette date, les jeunes aristocrates disposaient de précepteurs, même dans des petits châteaux. Au XIIe siècle, il était même considéré que mettre ses enfants au monastère à l’école externe était le gage d’une éducation digne d’un roi. Certains jeunes paysans chétifs ou maladifs étaient confiés aux monastères pour qu’ils y soient protégés. Ils y gagnaient une bonne éducation.
 

EDLN: A l’époque, on distinguait déjà le trivium et le quadrivium, mais peut-on parler de réels programmes scolaires? 

Danièle Alexandre-Bidon: Non, mais les livres scolaires de base sont les mêmes pour tous.

EDLN: Observe-t-on à cette époque une organisation de l’enseignement en classe d’âge, en cycle ?

Danièle Alexandre-Bidon: Non, tout le monde a accès à l’école, qui peut accueillir des petits de cinq ans comme des grands de 11 ans pour apprendre l’alphabet. Les pauvres « pour Dieu », c’est-à-dire gratuitement, les gens assez aisés moyennant un paiement. Parfois, le maître est engagé par la municipalité, qui le loge, le blanchit, le nourrit.

EDLN: Dans vos ouvrages, vous évoquez la place de l’alimentation dans les apprentissages. Les adultes faisaient-ils un lien entre la nourriture et la connaissance?

Danièle Alexandre-Bidon: Oui, ils inventent même des objets transitionnels comme des bols à bouillie abécédaires (voir ci-joint deux photos de bol abécédaire anglais du XIVe siècle), et quand ils font pour les tout-petits des lettres qui se mangent, c’est intentionnellement. Les pâtes alimentaires sont des lettres en pâte à gâteau. En Italie, on en faisait aussi, dans les milieux très aisés, en sucre filé. La première leçon d’un enfant juif à l’école consiste à lui faire manger un oeuf dur couvert d’écriture. Manger les lettres s’explique par le fait que, dans toutes les langues, du latin au vernaculaire, au Moyen Âge, nourrir signifie et manger et enseigner.

EDLN: Comment peut-on expliquer ce phénomène?

Danièle Alexandre-Bidon: Allégoriquement, la Grammaire est représentée comme une femme qui allaite des enfants. C’est une question de vocabulaire, avec le verbe nourrir qui a deux sens, alimenter et éduquer.

EDLN: Certaines pratiques médiévales semblent avoir inspiré les pédagogies alternatives d’aujourd’hui, en particulier l’aspect ludique et sensoriel de l’apprentissage. Confirmez-vous cette impression?

Danièle Alexandre-Bidon: Non, chaque période a redécouvert des techniques « alternatives ». L’époque Montessori ignorait tout de la pédagogie médiévale. Il y a juste une très grande attention, au Moyen Âge, à la psychologie de l’enfance. J’ai écrit un article sur ce point. Cette pédagogie concrète et poétique à la fois, est la règle depuis le haut Moyen Age. Elle est très imaginative et très ludique.

Pour aller plus loin: 

D. Alexandre-Bidon et M.-T. Lorcin, Système éducatif et cultures dans l’Occident médiéval, Paris-Gap, Ophrys, 1998.

D. Alexandre-Bidon, Marie-Madeleine Compère et alii, Le Patrimoine de l’Éducation nationale en France, Charenton-le-Pont, Flohic Éditions, 1998.

D. Alexandre-Bidon et P. Riché, L’Enfance au Moyen Âge, Paris, BN/Le Seuil, 1994.

D. Alexandre-Bidon et Jacques Berlioz (dir.), Les Croquemitaines. Faire peur et éduquer, n° spécial de la revue Le Monde alpin et rhodanien, 2-4, 1998.

Pour les enfants: 
D. Alexandre-Bidon, Les Écoliers au Moyen Âge, Paris, Éditions du Sorbier, 2001. Prix Fulbert de Chartres 2007.
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Merci de répondre à notre enquête sur « l’école à la maison »!

Cela fait des années que cela vous fascine, vous interroge, vous dérange… Peut-être que certains d’entre vous la pratiquent, de par les failles de notre « école inclusive »…  Voici le temps pour vous de tester la fameuse IEF, instruction en famille, ou même l’unschooling si vous faites fi des mails de maîtresse Caroline du petit et de la prof de math de l’aîné…

Nous vous remercions par avance de répondre à ce court questionnaire afin de mieux comprendre vos difficultés mais aussi les belles surprises que peut révéler cette période de confinement! Nous restons à votre disposition pour vos questions et demandes de documents pédagogiques. Bon courage à tous, prenez soin de vous!

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« Non, ce ne sont pas les différences qui créent l’échec scolaire »

Lors de la conférence nationale du handicap du 11 Février 2020, Le président Macron déclarait: “Il y a toutes les différences qui créent de l’échec scolaire si elles ne sont pas repérées, diagnostiquées accompagnés : les dyslexies, dyspraxies, (…) ces forfaits seront ouverts à tous les DYS”.

Comment vous expliquer, cher Président. Vous avez sans doute entendu parler, enfin, je l’espère du « modèle social du handicap »: la situation de handicap serait la résultante de l’interaction d’un individu avec un environnement particulier, inadapté. L’échec scolaire est une production sociale, au même titre que le handicap. C’est bien le système que vous laissez prospérer sous votre mandat qui produit, en masse, l’échec scolaire, et non les différences de nos enfants, qu’ils soient trop « différents » « dys » trop « Tdah », trop « autistes », trop « sourds » ou, comble institutionnel, trop « hauts potentiels ». Vous évoquiez, dans votre discours les « forces » et les « faiblesses » des personnes en situation de handicap, mais à quel moment l’institution dirigée par votre ministre Blanquer permet-elle à ces « forces » de s’exprimer?

Le système scolaire devrait, en tant que service public, s’adapter à la neurodiversité afin que chacun puisse s’épanouir et apprendre dans des conditions dignes. Le module « handicap » que vous proposez d’intégrer pour la formation des futurs enseignants devra comporter une vraie réflexion sur la posture de l’enseignant face à la diversité de ses élèves, et pas uniquement comporter quelques astuces pour gérer le situation de handicap en classe.  Pourquoi s’arrêter sur les mots, me direz-vous, alors que l’intention semble charitable? Justement, peut-être, parce que cette politique éducative adopte une posture à la fois ségrégative et charitable. Et parce que les mots sont importants. Tant que vous n’aurez pas compris et accepté l’égalité cognitive de tous les citoyens, l’inclusion restera une chimère.

 

 

 

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Les élèves du « Carré Libre » sommés par le rectorat de quitter leur école

Le triste feuilleton académique tenait en haleine le monde de l’éducation alternative. Cinq jours après leur troisième inspection annuelle, le rectorat a envoyé à une trentaine de familles des mises en demeure afin qu’ils inscrivent sous 15 jours leur enfant dans un nouvel établissement.

Une inspection fatale

Selon le rectorat, « Le Carré Libre » ne respectait pas les règles pédagogiques et son enseignement « ne permet pas d’acquérir à 16 ans les compétences du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. »  (Source: FR3 Régions). Seuls les enfants de plus de 16 ans, n’étant plus soumis à l’obligation d’instruction, ont échappé à ces mises en demeure.

Les apprentissages informels, terre inconnue pour l’Education Nationale

D’après la vidéo ci-dessous et les témoignages des familles, l’école démocratique est une école plus respecteuse des appétences naturelles des enfants que les écoles « ordinaires ».  Elle s’est avérée une alternative à des cursus parsemés de difficultés, de harcèlement, de phobie scolaire.

Il est désolant que les pédagogies  qui reposent sur la liberté et  l’apprentissage informel ne parviennent à convaincre l’institution. En effet, parce qu’elles permettent à l’enfant de s’épanouir en cohérence avec lui-même et son propre rythme, elles menacent le contrôle de l’Education Nationale sur l’organisation sociale,  sur l’avenir de nos enfants, ainsi que sur le processus d’uniformisation qui est, plus que jamais,  en marche.

Pendant ce temps, la violence psychologique et physique prospère.