Le statut de l’enfant au Moyen Âge fait débat. Dans un contexte où, sur dix enfants qui naissaient, on estime que trois mouraient avant l’âge de un an, et trois autres avant leur puberté, l’engagement affectif des parents, la considération de la société étaient-ils, comme nous aurions tendance à le croire, inexistants? Danièle Alexandre-Bidon, historienne et archéologue, docteur en histoire et civilisation médiévales, réhabilite à travers plusieurs ouvrages l’existence de la sensibilité à l’enfance au Moyen Âge, en particulier à travers l’éducation familiale, monastique et scolaire. A la lecture de ses articles, on découvre des pratiques moins obscures que l’on voudrait le croire: innovations pédagogiques, approche sensorielle, cours de musique, prolifération des écoles dans les rues de Paris, gratuité de l’enseignement pour les plus démunis… Et si la fin du Moyen Âge était une période décisive dans l’histoire de l’enseignement occidental?
EDLN: Dans l’opinion commune, l’éducation médiévale paraît, à l’exception de l’ Admonitio generalis de Charlemagne, indigente ou réservée à une élite. Qu’en pensez-vous?

EDLN: Le Moyen Âge désigne une vaste période, quelle a été l’évolution de l’ accès à l’instruction durant ces dix siècles?
EDLN: A l’époque, on distinguait déjà le trivium et le quadrivium, mais peut-on parler de réels programmes scolaires?
EDLN: Observe-t-on à cette époque une organisation de l’enseignement en classe d’âge, en cycle ?
EDLN: Dans vos ouvrages, vous évoquez la place de l’alimentation dans les apprentissages. Les adultes faisaient-ils un lien entre la nourriture et la connaissance?
Danièle Alexandre-Bidon: Oui, ils inventent même des objets transitionnels comme des bols à bouillie abécédaires (voir ci-joint deux photos de bol abécédaire anglais du XIVe siècle), et quand ils font pour les tout-petits des lettres qui se mangent, c’est intentionnellement. Les pâtes alimentaires sont des lettres en pâte à gâteau. En Italie, on en faisait aussi, dans les milieux très aisés, en sucre filé. La première leçon d’un enfant juif à l’école consiste à lui faire manger un oeuf dur couvert d’écriture. Manger les lettres s’explique par le fait que, dans toutes les langues, du latin au vernaculaire, au Moyen Âge, nourrir signifie et manger et enseigner.
EDLN: Comment peut-on expliquer ce phénomène?
EDLN: Certaines pratiques médiévales semblent avoir inspiré les pédagogies alternatives d’aujourd’hui, en particulier l’aspect ludique et sensoriel de l’apprentissage. Confirmez-vous cette impression?
Pour aller plus loin:
D. Alexandre-Bidon, Marie-Madeleine Compère et alii, Le Patrimoine de l’Éducation nationale en France, Charenton-le-Pont, Flohic Éditions, 1998.
D. Alexandre-Bidon et P. Riché, L’Enfance au Moyen Âge, Paris, BN/Le Seuil, 1994.
D. Alexandre-Bidon et Jacques Berlioz (dir.), Les Croquemitaines. Faire peur et éduquer, n° spécial de la revue Le Monde alpin et rhodanien, 2-4, 1998.